DANS LA CONTINUITÉ D’UNE RÉFORME



Publié le 11/01/2024 sur internet
Publié dans le N°665 de la publication papier du Courrier de Rome



1.Le 15 août 2022, le Pape François a tenu à commémorer le cinquantième anniversaire du Motu proprio Ministeria quaedam, par lequel son prédécesseur Paul VI avait « supprimé les ordres mineurs ». Nous mettons l’expression entre guillemets, car elle entend désigner ainsi ce que le bon Peuple des fidèles catholiques a retenu de cette réforme. Celle-ci a comporté en réalité plusieurs aspects différents, que l’on peut résumer à cinq.

2. Premièrement, la tonsure ne doit plus être conférée et l’entrée dans l’état clérical, qui avait jusqu’ici lieu avec la réception de la tonsure, est désormais jointe au diaconat. Deuxièmement, les fonctions qui jusqu’à présent étaient appelées « ordres mineurs », c’est-à-dire les quatre ordres de l’ostiariat, du lectorat, de l’exorcistat et de l’acolytat, devront désormais être appelées « ministères ». Troisièmement, ces ministères peuvent être confiés à des laïcs, de telle sorte qu’ils ne soient plus réservés aux candidats au sacrement de l’ordre. Quatrièmement, les ministères qui doivent être maintenus dans toute l’Église latine, d’une manière adaptée aux nécessités d’aujourd’hui, sont au nombre de deux : celui du Lecteur et celui de l’Acolyte ; les fonctions qui étaient jusqu’à présent attribuées au sous-diacre sont confiées au lecteur et à l’acolyte et par suite, dans l’Église latine, l’ordre majeur du sous-diaconat n’existe plus. Rien n’empêche cependant qu’au jugement des Conférences épiscopales, l’acolyte puisse, en certains lieux, porter le nom de sous-diacre. Cinquièmement, être institué Lecteur et Acolyte, conformément à la vénérable tradition de l’Église, est réservé aux hommes .

3. Cette réforme de Paul VI était seulement une conséquence. Conséquence de la nouvelle définition de l’Eglise introduite dans la constitution Lumen gentium du concile Vatican II. L’Eglise y est définie au numéro 9 comme le « Peuple de Dieu », et au numéro 11 comme une « communauté sacerdotale ». Dans cette nouvelle optique, on doit considérer que, en raison de la grâce de leur baptême, tous les fidèles participent à la triple fonction - sacerdotale, prophétique et royale - du Christ. La réforme accomplie par Paul VI en 1972 se fonde sur cette nouvelle définition, comme cela est d’ailleurs clairement indiquépar trois références faites, dans le Motu proprio Ministeria quaedam, aux enseignements du concile Vatican II : référence au n° 21 puis au n° 14 de la constitution Sacrosanctum concilium sur la liturgie et référence au n° 10 de la constitution Lumen gentium sur l’Eglise. L’idée maîtresse sous-jacente à ces trois passages est que l’on doit parler d’un « sacerdoce » commun des fidèles dans un sens propre véritable, et non pas dans un sens seulement impropre et métaphorique. Ce sacerdoce commun est le principe d’une participation active au culte liturgique. L’attribution aux simples baptisés de ce qui correspond désormais à des « ministères » s’inscrit parfaitement dans une pareille logique. En effet le but de cette réforme est de conférer à tous les titulaires du sacerdoce commun le plus possible de ce qui appartenait jusqu’ici aux seuls titulaires du sacerdoce ministériel. La distinction entre les deux sacerdoces est maintenue, mais la marge qui y correspond est réduite à son strict minimum.

4. C’est bien cette idée originaire de Vatican II, ce principe qui inspirait déjà la réforme de Paul VI, que reprend François, pour en tirer jusqu’au bout toutes les conséquences. Cela est d’ailleurs visible au numéro 2 de son Message, où le Pape actuel met cette initiative de son prédécesseur en liaison avec deux de ses propres initiatives, qui ont porté elles aussi sur cette réalité nouvelle des « ministères », le Motu proprio Spiritus Domini du 10 janvier 2021 et le Motu proprio Antiquum ministerium du 10 mai 2021. Par le premier, le Pape donne accès aux personnes de sexe féminin au ministère du Lectorat et de l’Acolytat ; par le deuxième, le Pape institue un troisième ministère, en sus des deux déjà institués par Paul VI, le ministère de Catéchiste. En dépit des apparences, a-t-il soin de préciser, « ces deux interventions ne doivent pas être interprétées comme un dépassement de la doctrine précédente ». En effet, en 1972, Paul VI avait voulu limiter les ministères à deux et avait édicté que « être institué lecteur et acolyte, conformément à la vénérable tradition de l’Église, est réservé aux hommes ». En 2022, François n’entend pas consommer une quelconque rupture ni même « un dépassement de la doctrine précédente » ; il s’agit d’un « développement ultérieur possible ». Et la possibilité de ce développement – censé « homogène » par conséquent – s’explique elle-même parce que ce développement est « fondé sur les mêmes principes – cohérents avec la réflexion du Concile Vatican II – qui ont inspiré Ministeria quaedam ». De la sorte, conclut le Pape François, « la meilleure façon de célébrer l’anniversaire significatif d’aujourd’hui est de continuer à approfondir la réflexion sur les ministères que saint Paul VI a initiée ». Et au numéro 9 de ce même message, François précise encore que, si lui-même entreprend un renouveau, celui-ci doit se situer dans la continuité du renouveau inauguré par Paul VI, c’est-à-dire en conformité avec la prise de conscience accomplie par Vatican II : « Ministeria quaedam a ouvert la porte au renouvellement de l’expérience de la ministérialité des fidèles, nés à nouveau de l’eau du baptême, confirmés par le sceau de l’Esprit, nourris par le Pain vivant descendu du ciel ».

5. Nous retrouvons ici l’idée chère à Benoît XVI et qui inspire tout son fameux discours du 22 décembre 2005, l’idée d’une « herméneutique de la réforme », c’est-à-dire du « renouveau dans la continuité de l’unique sujet Eglise » . En quoi un tel renouveau pourrait-il se justifier en conformité avec la Tradition de l’Eglise ? C’est ce qu’il importe d’examiner à présent.

Abbé Jean-Michel Gleize

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